Permettant de suggérer une atmosphère épique, ludique ou angoissante, de faire grandir un sentiment de tension, d’urgence ou, au contraire, de ramener le joueur au calme, la musique dans le jeu vidéo joue un rôle clé pour s’immerger dans un univers, un peu à la manière d’une musique de film. Et pourtant, elle n’a pas toujours été présente dans le gaming. Découvrez dans cet article de quelle manière la musique y est devenue incontournable, au point d’avoir, aujourd’hui, ses propres concerts d’orchestres symphoniques.
L’histoire de la musique des jeux vidéo commence par un « bip ». Lorsque les ingénieurs et informaticiens mettent au point les premiers prototypes de jeux dans les années 60, elle en est encore totalement absente. Il faudra attendre les années 1970, lorsque sont conçues les premières grosses bornes, et plus particulièrement Pong, la première console de salon développée en 1975 par Atari, pour que soient émis les premiers « bip » et « blop », prémices d’une nouvelle ère.
La technologie de l’époque ne permet pas de réelles productions sonores. Tout au plus, trois ou quatre sons différents pouvaient sortir de la machine. Et pourtant, c’est grâce à ces quelques notes que seront composés les premiers petits thèmes, plus proches de jingle que de musique, utilisées en début et fin de partie, et entres les niveaux. Des signatures sonores, pauvres en qualité, mais dont certaines, comme celles du jeu Pac-Man, resteront gravées dans les mémoires.
Celles-ci tournent alors en boucle, programmées par des développeurs dans une ligne de code, comme le reste du jeu. Peu de place pour la création artistique musicale, donc.
Au moment de sa sortie en 1983, la console Nintendo Entertainment System (NES) marque les esprits. Elle permet de créer des tonalités différentes qui peuvent enfin durer plus d’une minute, et on peut, dès lors, véritablement parler de musique. Des compositeurs attitrés remplacent peu à peu les développeurs pour créer des thèmes divers, adaptés aux jeux devenus plus longs et variés.
Le thème « Underworld », du récemment arrivé Super Mario Bros, ainsi que son thème principal, incarnent ainsi une grande nouveauté.
Mais malgré les améliorations grandissantes des compositions musicales à la fin des années 1980, la technologie ne permet toujours pas d’utiliser de vrais instruments. Les sons devant être programmés dans le jeu, l’expression des compositeurs est grandement limitée.
Sorti en 1989 sur la toute nouvelle console de jeu portative de Nintendo, Game Boy, le jeu Tetris, inventé par un ingénieur soviétique en 1984, propose un jeu de réflexion dont le thème musical restera à jamais gravé dans la mémoire des joueurs.
La Korobeïniki est une chanson folklorique russe composée en 1861, choisie par Nintendo en hommage aux origines soviétiques du jeu. Son rythme, qui s’accélère au fil de la partie, plonge le joueur dans une atmosphère stressante, illustrant l’accélération de la cadence des pièces tombant inlassablement. Un thème que tout le monde a au moins entendu une fois dans sa vie et qui est associée pour beaucoup au jeu mythique.
En 1992, le thème de Tetris, repris par Doctor Spin, arrivera en 6e position des ventes de singles au Royaume-Uni. En 2006, The Tetris Company a même déposé une marque pour protéger le thème d’éventuelles reprises.
A noter que le réarrangement de chansons tombées dans le domaine public était courant pour les jeux de réflexion. A l’époque, les développeurs préféraient des musiques d’ambiance, agréables mais discrètes, qui ne risquaient pas de déconcentrer le joueur, et se tournèrent alors naturellement vers la musique classique.
Une autre musique de jeu possible pour Tetris était ainsi Danse de la Fée Dragée de l’acte 2 de Casse-Noisette, composée par Tchaïkovski.
Aujourd’hui encore, il n’est pas rare d’entendre dans les jeux vidéos des morceaux qui semblent familiers et passent de façon naturelle à l’écoute, issus de la musique classique.
Sorti au début des années 90, la Super Nintendo permet un bond en avant de la qualité sonore. Désormais, chaque thème musical est adapté à l’environnement du jeu et au niveau dans lequel se trouve le joueur. Les compositeurs peuvent commencer à laisser libre cours à leur talent artistique. L’exemple du thème de Super Mario World, sorti en 1990, en est une bonne illustration.
L’arrivée sur le marché, au milieu des années 90, des consoles de cinquième génération, dites 32-bits, telles que Saturn et Playstation, qui utilisent enfin le format CD, permet de ne plus seulement programmer les sons dans le jeu mais de créer de la musique avec de vrais instruments. Grâce à la mémoire des CD et à l’utilisation d’instruments, la diversité musicale grandit et les musiciens peuvent utiliser leur style pour personnaliser l’univers des jeux.
Les développeurs commencent à faire appel à des compositeurs reconnus pour leurs musiques de films. En dehors du cinéma, certains musiciens se prêtent aussi au jeu, et l’utilisation d’orchestres symphoniques est de plus en plus courant dans les années 2000.
Les bandes sons de certains jeux sont ainsi devenues culte.
World of Warcraft, Song of Elune
Final Fantasy X, sortie en 2001 sur PS2
The Last of Us, sorti en 2013, sur PS3
Legend of Zelda : Link’s Awakeniing, sorti en 2019 sur Switch
Que ce soit par choix artistique ou pour des raisons de budget, les développeurs ont souvent fait le choix d’intégrer des thèmes de musique classique célèbres, tombés dans le domaine public et qui ne donnent donc lieu à aucun droit d’auteur.
Ainsi, la Toccata et Fugue en ré mineur de Bach a été utilisée dans pas moins de 14 jeux vidéo entre les années 80 et 90. Outre le caractère épique de ce morceau qui donne sans doute au joueur la motivation de se surpasser, c’est peut-être aussi en raison de la technologie limitée des premières consoles que ce thème a souvent été privilégié : les lignes mélodiques et le contrepoint était plus facile à retranscrire pour les programmateurs en langage 8 bit. Un exemple parlant en est le jeu Dark Castle, sorti en 1986 sur Macintosh.
Autre exemple, la musique de Frédéric Chopin est beaucoup utilisée dans les jeux vidéo, et un jeu sorti en 2007, Eternal Sonata, qui se déroule dans un rêve de Chopin, lui est même entièrement consacré.
Le premier concert de musique de jeu vidéo a lieu en 1987, au Japon. Family Classic Concert propose pour la première fois, de manière alors totalement avant-gardiste, d’écouter les suites symphoniques de jeux vidéo japonais mais aussi du Carnaval des animaux de Camille de Saint-Saens, réunissant ainsi amateurs de musique savante et amateurs de gaming.
Des concerts de jeu vidéo sont organisés hors du Japon à partir du début des années 2000, lors de salons de jeu vidéo. Mais désormais, ces concerts attirent un public plus large, des connaisseurs venus célébrer le jeu vidéo aux amateurs, se souvenant avec nostalgie des jeux auxquels ils ont consacré du temps dans leur enfance, jusqu’aux spectateurs venus principalement pour la prestation musicale.
Les concerts de RetroGaming célèbrent même les premiers jeux vidéo emblématiques qui ont ouvert le monde du jeu vidéo au grand public : de Mario à Tetris, les deux jeux les plus vendus de l’histoire du jeu vidéo, et dont les grands thèmes font désormais partie de la culture populaire.
Certains concerts sont même dédiés à la musique de jeux bien particuliers, comme World of Warcraft, Elden Ring, Assassin’s Creed ou Final Fantasy. L’occasion rêvée pour les orchestres de toucher un nouveau public qu’ils n’auraient peut-être jamais atteints auparavant.
Concert des jeux de la série NieR : Automata sortis en 2017 sur Playstation 4
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